La (grosse) baffe du diagnostic tardif de l’autisme niveau 1

Disclaimer

Si l’on parle du spectre de l’autisme, ce n’est pas pour rien. Je ne vais pas rentrer dans les détails maintenant, mais chaque autiste est différent. Cependant, je pense que pas mal de gens concorderont avec moi sur ces quelques points.

C’est quoi un diagnostic tardif ?

C’est un diagnostic qui est fait pendant l’adolescence ou à l’âge adulte.

Alors vous allez me dire : Pourquoi si tard ??? Pourquoi pas pendant l’enfance comme tout le monde ?

Eeeeeet c’est là qu’on en vient au problème des autistes niveau 1 (anciennement classifiés comme Asperger) : on peut, en apparence, avoir une vie à peu près normale. On « trompe » l’ennemi, on se fond dans la foule et certains iront même jusqu’à dire que l’on flashouille ceux qui découvriraient notre secret, et… non, ce n’est pas vrai, on ne flashouille personne.

Un peu d’histoire

Plus sérieusement, si aujourd’hui les autorités parlent d’autisme et si l’on trouve des ressources sur le sujet via internet et certaines séries (controversées…), il faut se rappeler que ce n’est qu’en 1980 que le DSM-III a introduit « l’autisme infantile », que le nom changera pour « trouble autistique » en 1987 et qu’il faudra attendre 1994 avec la publication du DSM-IV pour que soit introduit le « Trouble Asperger » (qui sera intégré au TSA niveau 1 en 2013 avec la publication du DSM-V).

Par conséquent, la chance qu’un TSA niveau 1 ait été diagnostiqué avant les années 2000/2010 est extrêmement mince car ni le corps enseignant, ni le médecin de famille n’étaient forcément au fait de ce qu’était l’autisme.

J’irai même plus loin en disant que dans les années 80-90, la seule référence que le grand public avait de l’autisme était, au mieux, Rain Man et Forrest Gump… 
Au pire il était confondu avec le Syndrome de Down. Et malheureusement c’est toujours un peu le cas quelque part puisque la grande majorité des personnes ont encore une image des TSA forgée par des séries comme Atypical, Histoires d’amour et d’autisme, ou Extraordinary Attorney Woo.

Sauf que le TSA ce n’est pas QUE ça. Non, on n’est pas tous des génies en mathématiques et oui, les autistes ont des hyper-fixations mais ce n’est pas forcément sur des choses aussi hors du commun que les pingouins ou les cétacés… ça peut-être sur la photo, l’informatique, la mécanique, les jeux vidéo, les mangas, l’univers Marvel,… bref des trucs carrément mainstream (bien que si tu t’intéressais à ces 3 derniers, dans les années 80/90, t’étais rapidement classé comme weirdo…)

Pour le coup, si à l’époque tu n’avais pas de troubles du langage (comme c’est le cas de beaucoup de niveau 1), tu allais être qualifié de timide, introverti, etc., mais probablement pas d’autiste.

Le masking

Mais le fait est que l’autisme niveau 1 peut passer inaperçu à cause du « masking » et que, tout au moins en apparence, on va avoir une vie à peu près normale.


Le « masking » est un réflexe de survie pour les enfants autistes qui apprennent à mimer pour mieux se fondre dans la masse, et qui s’efforcent d’entrer dans le moule éducationnel imposé afin d’avoir l’air  » normaux  » ou  » guéris  » en grandissant.

Wikipedia


Je ferai un article plus approfondi sur le masking, mais les TSA niveau 1 peuvent être tellement bons à masquer (sans même s’en rendre compte) que personne ne va soupçonner qu’ils sont TSA.
Par exemple, dans mon cas, j’ai un boulot, (j’en ai même 2), je paie le crédit de ma maison, je suis marié… bref, de loin, RAS, tout paraît normal. Même ma première épouse n’y a vu que du feu.

D’ailleurs les choses paraissent tellement « normales » que parmi les 6 proches avec qui j’ai partagé mon diagnostic : 2 n’y croient pas, 1 n’a toujours rien compris et se demande de quoi je lui ai parlé, et les seuls qui m’ont reconnu que ça ne les surprenait pas sont : mon épouse (c’est elle qui m’a poussé à voir un psy) et 2 amis qui travaillent avec des autistes et qui ont reconnu, qu’avec le recul, je présentais vraiment tous les signes d’un TSA quand j’étais ado.

OK, mais, si tout est normal, pourquoi se faire ch*er avec un diagnostic ???

Eh bien les problèmes commencent quand on y regarde d’un peu plus près.
Par exemple, un indicateur intéressant est que les autistes ont une espérance de vie inférieure à leurs pairs neurotypiques, en partie à cause des problèmes de dépression liés au masking.

Et oui, toujours feindre que l’on est quelqu’un d’autre ça fatigue. Ça épuise même. C’est un effort constant et sans fin qui nous use jusqu’à l’os et nous mène souvent au burnout.

Et puis, il y a cette interminable sensation de solitude car, finalement, on ne peut pas être soi-même sans courir le risque d’être rejeté ou mis à l’écart ; et dans le milieu professionnel c’est un risque qu’on ne peut PAS prendre. 

Pour le coup on cache qui on est et ce qu’on aime. On fait semblant de s’intéresser à des sujets totalement insipides, on essaye de créer des scripts de conversation « normales » qui vont camoufler le fait que l’on n’a pas la moindre idée de la manière correcte d’interagir avec d’autres personnes et on va constamment vivre dans l’inquiétude de savoir que si on s’écarte un peu trop de ce qu’on a prévu on risque d’être découvert…

Bref, on est constamment sur la défensive, seul dans un monde qui ne veut pas de nous et dans lequel nous n’avons pas le droit au faux pas au risque d’en être expulsé… et on ne sait pas pourquoi. On ne comprend pas pourquoi les choses doivent être comme ça pour nous. 

Jusqu’au jour où le diagnostic tombe.

La baffe

Et là, tout devient clair. On comprend pourquoi on ne rentre pas dans le moule, pourquoi les interactions sociales ont toujours été si difficiles, pourquoi le monde nous semble si bizarre. 
Non, ce n’est pas de notre faute, non on n’est pas plus idiot que la moyenne pour ne pas comprendre les subtils codes et signaux de la vie en société. C’est juste que notre cerveau est branché différemment. C’est littéralement un problème de *hardware*

Et ce n’est que la première étape. On découvre des chaînes YouTube comme I’m Autistic, Now What?, Mom on the Spectrum, des subreddits comme r/autism , r/autismmemes et r/evilautism, bref d’un seul coup, on découvre une communauté qui réagit comme nous, qui affronte les mêmes problèmes que nous, qui en rigole même, qui s’entraide et qui a développé sa propre culture avec ses propres mèmes et son propre langage. Et l’on comprend tout! D’un seul coup, on n’est plus seul!

source: r/evilautism

On regarde aussi notre passé avec un œil différent : par exemple, l’impact psychologique de s’entendre répéter systématiquement pendant toutes les années de scolarité qu’on est un paresseux, un bon à rien, un br*nleur, un touriste, un raté, etc… ça n’est pas anodin.

Croyez moi, même si on les a enfermées à double tour dans un coffre dont on a jeté la clé, ça a laissé des cicatrices.

Alors quand on découvre que les difficultés que l’on avait n’étaient pas dues au fait qu’on était simplement un pauvre déchet fainéant, comme on se l’est tellement entendu répéter, mais que, parce que comme 40% des autistes, on a aussi un Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité, ça nous enlève un peu du sentiment de culpabilité. Ça soulage de se dire que ce n’était pas forcément de notre faute et que, finalement, on peut se pardonner de ne pas avoir eu à l’époque des résultats aussi bons que les autres.

Enfin, on comprend ce qui se passe en nous-même, et on arrive à en discuter, calmement. 
Par exemple, mes discussions de couple se terminaient toujours de 2 façons possibles : 

  1. pour éviter un meltdown, je faisais un shutdown, c’est-à-dire, j’intériorisais tout pour ne pas blesser les sentiments de ma partenaire, ce qui provoquait un énorme sentiment d’injustice qui me faisait totalement refuser de communiquer avec qui que ce soit, à m’enfermer dans mon bureau pour regarder Netflix/faire des câlins à ma chienne et à me dire qu’il valait mieux que je me sépare.
  2. je faisais un meltdown, une explosion de rage incontrôlée où je disais sans la moindre empathie ce que je pensais et mon épouse terminait par se dire qu’il valait mieux qu’on se sépare. Et après le meltdown, je faisais un shutdown voire un burnout.

Bref, 2 réactions de merde, incontrôlées, qui ne résolvaient pas le problème et m’ont plusieurs fois mené à la limite de la séparation.

Mais aujourd’hui, les choses sont différentes : je suis capable d’expliquer à mon épouse qu’à cause de mon hypersensibilité sensorielle, le fait qu’elle élève la voix ou qu’elle me parle d’une manière agressive dégrade significativement mes capacités de raisonnement ou déclenche des émotions que je n’arrive pas à identifier et que, par conséquent, j’ai besoin d’un peu de temps pour me calmer et analyser ce qu’elle veut me communiquer afin de pouvoir donner une réponse constructive. 
Et elle comprend que c’est simplement une limitation que j’ai. 

De même, elle et moi avons compris que j’ai une limite de temps pour les événements sociaux: au bout de 4 heures, elle sait que j’aurai épuisé mon énergie sociale et que je vais automatiquement et involontairement débrancher la prise et que je serai pratiquement incapable de me communiquer sans mettre tout le monde mal à l’aise.

Pour le coup, on respecte ces limites puisque maintenant on connaît le pourquoi et notre relation est devenue infiniment plus agréable : je fais tout ce que je peux pour subvenir à ses besoins de neurotypique mais quand elle voit que mon énergie s’est épuisée, elle ne cherche plus à forcer la chose et me laisse recharger mes batteries isolé dans mon monde. 

Conclusion

Bref, le diagnostic pour un TSA niveau 1 est important. Il nous aide à nous comprendre, à comprendre comment on fonctionne, à comprendre nos points forts et nos faiblesses, et ça nous permet d’obtenir une qualité de vie qu’il nous serait simplement impossible d’atteindre sans.


That’s all folks!

Voilà, un post particulièrement difficile à écrire, mais hé, où serait le fun si c’était facile !

Bref, amusez-vous bien et laissez-moi dans les commentaires quelle a été votre réaction à votre diagnostic.

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